Test de Légendes Pokémon Arceus, moche et alors ?
Un jeu où la qualité graphique et technique est inversement proportionnelle aux propositions de gameplay.
Rarement dans la franchise Pokémon un jeu n’aura autant fait parler de lui avant sa sortie que Légendes Arceus. Et pas forcément en bien. Des bandes-annonces au framerate proche du négatif et textures du siècle dernier, un projet jamais clairement défini, des fuites à la pelle. Si l’on ajoute l’habituelle désastreuse communication de Pokémon sur ses titres (c’est un open world, ah non en fait pas vraiment mais vous verrez bien), l’inquiétude était légitime. Et pourtant dans tout ça, Légendes Pokémon Arceus parvient à proposer quelque chose d’inédit, si on ignore l’éléphant géant en plein milieu de la pièce.
Ce test de Légendes Pokémon Arceus a été réalisé avec une version commerciale.
Autant y aller directement. Légendes Pokémon : Arceus est une bonne surprise, pour peu que vous plissiez les yeux pour ne pas le regarder nettement (voir par ailleurs). Car le jeu veut à tout prix proposer autre chose que 25 ans de Pokémon avant lui. Oubliez donc l’insipide scénario avec la conquête des huit badges, l’avènement vers la ligue en croisant la mafia/les écoterroristes/les fanatiques du coin (rayez les mentions inutiles). Tout cela n’est pas d’actualité ici. Les combats contre les dresseurs sont d’ailleurs relégués au second plan, et ce n’est pas pour déplaire. Tant pis pour les trois du fond qui pensent encore qu’appuyer mollement sur A pour enchaîner les victoires en s’ennuyant représente un quelconque intérêt. Non, à Hisui – le Sinnoh du passé – on cherche avant tout à vivre en harmonie avec les Pokémon et les comprendre.
Le monde change tout autour de nous
Ce qui veut dire évoluer à leurs côtés dans l’environnement, et en capturer le plus possible pour mener ses recherches. Vous allez donc découvrir des zones où vivent des Pokémon, et ils ne sont plus bloqués dans une herbe à attendre que vous les combattiez où non. Ils pourront au choix être affectueux et venir vers vous, se montrer craintif et vous fuir, ou agressif et vous attaquer – l’option la plus fréquente.
D’ailleurs pour les capturer, là aussi la méthode change. Il n’est plus question de leur foncer dessus tête baissée pour déclencher un affrontement. Vous avez la possibilité de leur lancer une Poké Ball au loin, mais aussi de varier vos approches. Un arsenal d’objet existe, permettant de les appâter, de masquer vos mouvements, ralentir leurs mouvements, ou d’effrayer les espèces aux alentours. Et si tout cela échoue, alors vous pouvez toujours envoyer un de vos partenaires pour faire la bagarre.
Cela peut paraître pas grand chose, mais avancer à côté de créatures qui réagissent à vos mouvements, et pouvoir interagir avec, contribue grandement à l’immersion. N’allons pas non plus trop nous enflammer, cela reste parfois rudimentaire, et il n’est pas rare qu’un Étourvol, au tempérament agressif, ne moufte pas alors qu’il voit son pote se faire capturer sous ses yeux. Mais l’idée est là, et globalement bien réalisée. La faune devient un minimum crédible, et c’est tout l’univers qui en sort grandi. Avec en prime la possibilité de rencontrer des espèces plus grandes, plus petites, ou Baron, ces spécimens plus grands et puissants que la normale.
En revanche, on regrettera la pauvreté du casting proposé. Avec seulement 240 Pokémon au compteur, le Pokédex sonne rapidement creux. Il faut un canard pour habiter l’étang ? Voici Psykokwak. Ah, il y a un étang dans trois des cinq zones ? Bah tant pis, il y a des Psykokwak. Vous retomberez donc souvent sur les mêmes créatures, et cela peut vite devenir lassant.
Les bases d’un vrai RPG
L’autre ajout majeur du titre, c’est son système de quêtes. Déjà dans les recherches nécessaires pour compléter son Pokédex. Il n’est plus question de simplement les attraper. Il faudra en capturer un certain nombre, les voir utiliser telle ou telle attaque, ou encore reproduire une action particulière. Et parfois, un Pokémon aura une quête secondaire associée.
Car oui, 20 ans après tout le monde, Game Freak a découvert que dans un RPG il y avait des quêtes annexes. Voila pourquoi Légendes Pokémon Arceus embarque un éventail de quêtes qui guidera votre progression, que ce soit dans le scénario ou dans les recherches. Avec à chaque fois des indications sur la carte, des actions à réaliser, et des récompenses à la clé. Comme des vraies quêtes dans les autres jeux, c’est fou ! Pardonnez le sarcasme et la très légère exagération, mais il devenait lassant de voir la franchise se passer d’un élément aussi basique, surtout quand on voit tout ce que cela peut apporter.
Les objets obtenus rejoindront tout ce que vous aurez déjà pu ramasser dans les différentes zones. Entre les cailloux à casser et les arbres à délester de leurs ressources, vos Pokémon auront du travail. Néanmoins, il ne vous prendra pas longtemps pour voir que le level design est bien loin de celui d’un Breath of the Wild, et ces objets à ramasser sont là pour meubler des environnements parfois vides.
L’ensemble est complété de l’obligatoire système de craft qui vous permettra de créer vous même vos objets. Assez rudimentaire et ne laissant pas place à l’imagination – tout n’est que question de recettes à débloquer – mais qui fait ce qu’on lui demande.
Amitié, respect, combat de rue
Pour compléter ce vent de fraicheur sur le gameplay, le système des combats a été revu. Ceux-ci s’effectuent toujours au tour par tour, mais avec un twist. Il n’est plus question d’alterner chacun son tour les actions avec la vitesse pour déterminer qui commence. Un ordre d’action régit désormais tout cela, visible à tout moment du combat en appuyant sur Y. Et si c’est les statistiques des Pokémon déterminent toujours cet ordre, il n’est pas rare de voir quelqu’un agir deux fois de suite. Rendant la chose un tant soit peu plus crédible.
En outre, il est possible d’utiliser une attaque en style rapide ou puissant. Le premier vous fera agir plus vite, mais avec une puissance réduite. Quand le second sera au contraire plus lent, mais accordera à l’attaque un bonus de puissance et précision.
Il n’est pas non plus rare de faire des combats en infériorité numérique, à 1 contre 2 ou 3. Que ce soit contre des Pokémon sauvages, souvent dans les Distorsions – ces zones où des Pokémon d’habitats différents apparaissent – et parfois contre les dresseurs. Aucune crainte à avoir néanmoins, le jeu reste dans ses standards et abordable pour tous. Les combats en infériorité contre les dresseurs se résument souvent à un adversaire avec un Pokémon fort, et deux sidekicks anecdotiques 20 ou 30 niveaux en-dessous.
La technique aux fraises, mûres et autres fruits des bois
Vient alors le moment difficile de parler de la technique du titre, ou de l’absence de maîtrise qui s’en dégage. Il n’est pas ici question de rentrer dans la surenchère constante et les attentes démesurées. Non, vous ne verrez jamais un jeu Pokémon en 4K avec des créatures photoréalistes. Mais demander un produit plus beau qu’un jeu en milieu de génération PS2 serait la moindre des choses. Surtout quand on parle de la franchise la plus lucrative au monde.
Sauf que c’est encore et toujours Game Freak aux manettes. Ce studio qui veut garder sa petite ambiance familiale – même si énormément de recrutements ont été effectués pour essayer de mener à bien le projet Légendes Arceus. Et qui depuis bientôt 15 ans démontre à chaque sortie son incapacité à produire un jeu qui exploite un minimum les capacités de son support. C’était le cas sur DS, 3DS, et c’est bien évidemment le cas sur Switch.
Ici, le cache-misère est légion. Le clipping est roi, certains éléments du décor apparaissent et disparaissent à la volée, et les Pokémon aperçus au loin sont animés sur deux frames. Les textures des environnements sont d’une pauvreté rare, particulièrement du côté du marais. Et on ne va même pas s’avancer sur les costumes flous des PNJ, la classique Game Freak. Le tout n’est clairement pas aidé par la direction artistique hasardeuse, qui semble n’avoir aucune idée de comment rendre l’ensemble plaisant. Alors on se retrouve souvent avec un horrible coloris violet qui vient recouvrir les décors, et qui ne fait qu’aggraver la chose. Préférez donc jouer en mode nomade plus que sur un grand écran. Vos yeux vous remercieront.
Breath of the Wild éco+
Et c’est d’autant plus dommage que côté Pokémon, c’est presque l’inverse. Les modèles ont été grandement retravaillés, et bien plus convaincants que pour Épée et Bouclier. Les attaques aussi ont le droit à un relooking, devenant enfin crédibles. Tandis que le framerate devient pour la première fois stable à 30 images par seconde, même quand un oiseau bat des ailes. Avec même en bonus une nouvelle animation d’évolution, et ce n’était pas du luxe.
L’ensemble dégage une énorme odeur de jeu fait à l’économie. Tout a été donné sur les Pokémon et ce qui les accompagne, et il n’y avait ni temps ni moyen pour s’occuper du reste. Dommage, car un tel projet aurait certainement apprécié avoir quelques mois (années) de plus pour s’offrir un écrin digne de ce nom. Et aller au bout des choses. Enfin offrir à la franchise cette nouvelle formule dont elle a tant besoin, et la faire sortir de son statut de RPG bloqué 20 ans en arrière. A la place, on a juste un sentiment d’inachevé. L’idée est là, et se montre bien souvent très plaisante, mais elle laisse un arrière goût très amer.
Le bilan du test
Un plaisir coupable
Étrange sentiment que celui laissé par Légendes Pokémon Arceus. D’un côté, les défauts sautent aux yeux – en particulier l’axe graphique et technique. De l’autre, ce vent de fraicheur dans le gameplay fait du bien, et on sent tout un potentiel pour la franchise, pour peu qu’elle accepte de partir complètement dans cette direction. Alors on prend du bon temps, on se perd en chassant du Pokémon, et on espère que Game Freak continuera dans cette direction pour la neuvième génération. Avec cette fois-ci un jeu pleinement abouti.
Les points forts
- Enfin, la franchise tente quelque chose
- Un gameplay addictif et efficace
- Les Pokémon et animations d’attaques retravaillés
- Des quêtes annexes, et qui ont un but
- Plus immersif que 15 ans de jeux avant lui
Les points faibles
- Vraiment laid
- Une technique en cache-misère
- Un Pokédex très limité
- Des étendues qui sonnent parfois creux
- Ce sentiment d’inachevé