Preview : Skull and Bones se noie dans un verre d’eau
Tout en se payant le luxe d'être moins abouti qu'Assassin's Creed Black Flag.
Près de 10 ans après le début de son développement, Skull and Bones est sur le point de sortir. A cette occasion, Ubisoft a tenu une bêta fermée du 15 au 18 décembre à laquelle nous avons pu participer. L’occasion d’enfin mettre la main sur cet action-RPG multijoueur de pirates où l’on doit se méfier autant de l’environnement que des joueurs. Et si le principe de base à de quoi rendre curieux, on ressent bien vite l’enfer qu’ont vécu les développeurs une fois en jeu.
Nous avons participé à la bêta fermée sur PC.
Il était un petit navire
Ce que l’on attend de Skull and Bones est une aventure maritime dans laquelle on navigue en bateau et on profite du voyage. Et cet aspect est plutôt convaincant dans ce que l’on a pu voir. Ce n’est pas parfait, le vaisseau est parfois un peu lourd à manœuvrer, et remplir la cale aura pour conséquence de le ralentir encore. Mais dans l’ensemble, c’est une partie du jeu plutôt plaisante et dans laquelle on ne s’ennuie pas vraiment. Il y a toujours quelque chose à faire, que ce soit repositionner les voiles pour profiter du vent, adapter son allure pour prendre une route étroite et aller chercher des ressources, ou encore partir en guerre.
Les combats se jouent d’ailleurs assez simplement, avec une approche très arcade. Il suffit de viser, tirer, et attendre que le jeu recharge seul les canons pour recommencer. Bien que cela puisse paraître assez décevant, on sent qu’il était nécessaire d’adopter cette approche tant il peut y avoir de joueurs à un même endroit. Rendre les combats plus réalistes, en forçant l’équipage à recharger manuellement ne ferait qu’allonger inutilement les batailles. D’autant plus qu’il faut gérer aussi bien son positionnement pour éviter les boulets, que l’endroit où l’on vise pour contrebalancer la balistique de ceux-ci.
Toutefois, on regrette vraiment que le combat se limite à cela. Parce que si les voyages et les batailles sont assez prenants, il est impossible d’aborder un vaisseau adverse. Pas de combat au sabre ou au tromblon, il faut se contenter d’une rafale de boulets. Pour un jeu tiré d’Assassin’s Creed Black Flag, c’est un crève-cœur de se passer de cette fonctionnalité et de ne pas pouvoir piller un navire en toute discrétion. En se penchant sur le reste du titre, on comprend bien vite pourquoi cela n’a pas été implémenté.
Le début de l’ennui
Plutôt convaincant jusque là malgré ses défauts, Skull and Bones fait peine à voir une fois sur la terre ferme. Des bouts d’île microscopiques et vides à parcourir, des personnages affreux et un gameplay d’une lourdeur rarement vue. Justifier la présence d’une création de personnages et que l’on ne reste pas dans son bateau tout au long de l’aventure, voilà leur réelle utilité. On sent que notre avatar n’est pas fait pour se déplacer, rendant chacun de ses mouvements assez lents. De plus, hormis des vendeurs, ces quelques lieux n’ont pas grand chose à offrir. Mieux vaut rester en mer pour obtenir des ressources.
Il fallait bien trouver une excuse pour que notre capitaine en devenir ait besoin d’améliorer son navire. De ce fait, on suit une trame principale qui va consister à améliorer notre réputation auprès des autres pirates pour gravir les échelons. Et il va falloir s’impliquer dans leur vie pour espérer obtenir un vaisseau plus imposant, résistant et puissant. Pourtant, rien ne donne envie de s’accrocher, de s’intéresser à leurs problèmes. C’est en partie à cause de la répétitivité des missions, qui ont toujours le même fonctionnement. L’introduction n’aide d’ailleurs pas vraiment à s’immerger. Le rythme est tellement mal géré que l’on ne joue pas plus de 5 minutes pendant la première heure. Mais les dialogues, dignes d’un nanar, accompagnés de comédiens qui en font des caisses en sont également responsables. On pourrait croire à une parodie si tout ce qui compose cet univers ne voulait pas le rendre si sérieux.
C’est d’autant plus frustrant de devoir mettre pied à terre quand on sait que l’on devra faire face à de nombreux temps de chargement. Contrairement à Assassin’s Creed Black Flag, embarquer et débarquer demande un chargement. Lancer un dialogue également, tout comme accéder au menu pour gérer son navire ou interagir avec un élément comme des canons. Au final, on passe son temps à naviguer dans des menus peu instinctifs et mal expliqués plutôt qu’en mer. Et il faut être honnête, il est triste de voir qu’un jeu qui va sortir 10 ans après son matériau de base soit capable de faire moins bien.
Des mécaniques datées
Malheureusement, Ubisoft nous pousse à aller dans ces petites villes. Non pas pour y faire quoi que ce soit d’intéressant, mais parce qu’il faut écouler et stocker les ressources que l’on récupère le long de la route. Une mécanique centrale du jeu qui prend plusieurs formes. On peut piller les vaisseaux après un combat, ou récupérer les matériaux qui flottent ça et là au milieu de l’océan. Mais il est également possible d’aller en récupérer soi-même dans le monde extérieur. Enfin, à condition de comprendre comment fonctionne le filtre pour afficher ces ressources sur la carte tant elle manque de clarté.
Et que dire si ce n’est que la mécanique de récolte est ridicule pour un jeu moderne. Il s’agit tout simplement d’un QTE où il faut appuyer au moment où le curseur arrive dans le vert pour obtenir un peu plus de ressources. On ne descend pas du bateau, on n’a droit à aucune animation, juste un mini-jeu qui se lance directement. Ce n’est pas en changeant la zone de réussite entre chaque point de récolte que cela en devient moins mauvais. C’est aussi affligeant à voir qu’à vivre tant il est important d’obtenir des ressources dans Skull and Bones.
Ce n’est d’ailleurs pas le craft qui va venir rattraper le tout, ce dernier se limitant à la cuisine. Une fois des poissons pêchés, il suffit de se rendre à un feu de camp, cliquer sur la recette et le tour est joué. Tout ça pour obtenir des plats invendables qui ne font qu’augmenter l’endurance du bateau. On pourrait se demander à quoi bon l’avoir intégré, mais on sent que ce système devait avoir un intérêt plus profond. Mais il faudra s’en passer pour le moment. Tous les autres crafts se font auprès des personnages en ville, qui vont demandent les ressources nécessaires et vous gratifient d’une cinématique lorsque vous créez un objet pour la première fois.
L’avenir est encore brumeux
On ne peut pas dire que l’on attendait Skull and Bones avec beaucoup d’impatience. Entre ses multiples reports, ses changements de directeur créatif, et les différentes sessions de test, le projet paraissait déjà bancal. Mais ce que l’on a vu était surtout déconcertant. En 6 heures, le contenu était forcément très limité. Pourtant, on a trouvé le temps de s’ennuyer et de ne plus vraiment savoir quoi faire pour renouveler l’expérience. On a navigué dans les eaux, parcouru un peu la carte disponible, mais les activités sont très limitées.
Peut-être est-ce dû à l’absence de PvP, qui était pourtant un argument de vente majeur fut un temps. Il n’est cependant pas clair s’il a été limité pendant cette bêta pour permettre aux joueurs de ne pas avoir une mauvaise expérience, ou si l’activité est désormais réservée aux plus hauts niveaux dans des événements précis. Ce qui est sûr, c’est que ce n’est pas les missions principales qui vont donner envie de rester. Et plus globalement, rien ne donne vraiment envie de s’éterniser ici. Surtout quand un titre comme Sea of Thieves existe, à moindre coût, et avec plus de possibilités.
Ajoutons à cela des graphismes qui ne sont pas à la hauteur, des animations quasi-inexistantes, des temps de chargement bien trop présents et un ennui constant. La navigation a beau être performante, elle ne suffit pas à combler tout ce qui rate dans le titre. Tout ce que l’on peut espérer est qu’Ubisoft ne l’abandonne pas une fois lancé, et fasse le nécessaire pour le remettre sur pied. Parce qu’au fond, les idées ne sont pas mauvaises, juste très mal exploitées.
Nos premières impressions sur Skull and Bones
Projet infernal d’Ubisoft, il aura fallu 10 ans avant que Skull and Bones ne semble enfin pointer le bout de son nez pour de bon. Et le résultat n’est vraiment pas à la hauteur des promesses. Entre mécaniques datées, changement de direction en cours de développement et écriture très faible, difficile de dire ce qui sera le plus insupportable dans le jeu. Le projet sentait la marée depuis un moment déjà, et la communication du studio n’a pas vraiment aidé. Ce qui aurait pu être un petit spin-off sympathique se retrouve finalement devenir une abomination qui mettra des années avant de devenir agréable, si tant est qu’elle survive autant de temps. Un futur échec qui sera une fois de plus imputé aux développeurs, et non pas aux décisionnaires qui ont dénaturé le projet pour en faire un patchwork sans âme.