Test de A Plague Tale: Requiem, l’art de la narration
Des rats-de-marée d’émotions sur fond de Provence moyenâgeuse.
Créé en 2002, Asobo Studio n’est pas un nom qui a marqué le monde vidéoludique. Mais le destin de la société de développement bordelaise change subitement en 2019, lorsqu’A Plague Tale: Innocence arrive. Un jeu acclamé par la critique à travers le monde, et qui précède l’arrivée de Microsoft Flight Simulator en 2020. Celui-ci vient confirmer les ambitions du studio, et marque son entrée dans la cour des grands. Avec A Plague Tale: Requiem, Asobo compte bien montrer qu’un AA peut rivaliser avec des productions bien plus importantes en se concentrant sur ce qui importe vraiment.
Ce test de A Plague Tale: Requiem a été réalisé sur PC avec une version commerciale.
On reprend les bases, et on les améliore pour rendre le tout encore plus incroyable. C’est à peu près la philosophie qu’adopte cette suite, n’offrant pas de réelle nouveauté. Pourtant, le résultat est là. Des environnements magnifiques, un gameplay simple mais efficace, et une histoire aussi belle qu’émouvante. Mais quelques ombres viennent se glisser dans ce tableau jusque là réussi.
Un héritage respecté et respectueux…
En juin 1349, un an après les événements survenus en Guyenne, Amicia et Hugo se retrouvent en Provence. L’épidémie de peste n’a pas cessé, et le jeune garçon souffre toujours de la Prima Macula. Cela ne les empêche pas de s’amuser, et trouver un peu de bonheur là où ils le peuvent. Un sentiment qui va vite disparaître, lorsque la fratrie va tomber nez à nez avec des mercenaires lourdement armés. D’ici, une nouvelle course poursuite débute, mais également une course contre-la-montre pour sauver Hugo.
Il ne faut que quelques minutes pour être plongé dans le grand bain sanglant qu’offre A Plague Tale: Requiem, tout en revoyant les bases. Si les possibilités se sont étoffées avec ce titre, le corps du gameplay est toujours le même. L’infiltration est le cœur du jeu, de même que les énigmes, pour avancer à travers ces longs couloirs. Car oui, comme son prédécesseur, c’est avant tout un jeu narratif qui ne veut pas perdre le joueur dans un monde trop vaste. On progresse au travers de couloirs plus ou moins étroits, et on se laisse bercer par l’histoire qui nous est contée.
Suite oblige, cette histoire exclue d’office ceux n’ayant pas joué au premier jeu d’Asobo. Les intrigues avancent en même temps que la malédiction d’Hugo. Dans cette grande quête pour lui trouver un remède, la relation entre les deux protagonistes continue d’évoluer. Et dès le début, la complicité de la fratrie est bien plus sincère et palpable que dans Innocence. Même si Amicia a parfois un peu trop tendance à appuyer cette relation, donnant l’impression de se forcer. Mais la force de Requiem, c’est d’aller plus loin encore dans son propos que son prédécesseur. S’il peut offrir de doux moments de bonheurs qui donneraient presque envie de s’immiscer dans ce monde, il en dépeint aussi avec un effroyable réalisme ses aspects les plus difficiles. Les morts jonchent le sol tandis que la violence est omniprésente. Une dichotomie qui se retrouve également dans le choix des lieux et décors.
… Qui se transcende au cœur de la Provence…
S’il y a bien une chose qui saute aux yeux en lançant A Plague Tale: Requiem, c’est la beauté de ses décors et de son environnement. Le titre précédent était déjà très beau, mais assez loin de ce que l’on pouvait trouver dans le haut du panier. Avec Microsoft Flight Simulator, Asobo a su montrer la puissance de leur moteur graphique fait maison, un tour de force que ce nouveau jeu partage. Évidemment, tout cela profite également d’un paysage adapté à un tel défi : la Provence.
Réputée pour être une région touristique très prisée, la diversité de l’environnement provençal sublime l’histoire. Tantôt coloré et lumineux, les décors peuvent changer du tout au tout pour plonger les joueurs dans l’horreur. Le bassin méditerranéen devient un terrain de jeu dans lequel toutes les émotions passent, avec sa nature aux couleurs éclatantes et la clarté de son ciel. L’empreinte de l’Homme se démarque alors comme une anomalie, une maladie qui étouffe le paysage. On peut cependant s’estimer heureux que les cigales ne fassent pas partie de l’aventure.
On ne peut rien retirer à l’équipe chargée des animations des personnages, qui ont pu profiter de la présence d’une division de motion-capture. La société bordelaise n’a pas lésiné sur les moyens pour améliorer leurs productions au fil des années, et cela se ressent pleinement en jeu. Des améliorations particulièrement impressionnantes, surtout pour un studio encore restreint en personnel. Mais cela vient avec quelques inconvénients que tout le monde ne voit pas d’un bon œil. S’il se veut un jeu de la neuvième génération, A Plague Tale: Requiem bloque les Xbox Series et PS5 à 30 FPS, pendant que les joueurs PC ont besoin d’une machine un peu trop puissante pour en profiter pleinement.
… Mais oublie qu’il est un jeu
Toutefois, ces prouesses graphiques n’aident pas vraiment à pousser le gameplay vers le haut. Malgré des possibilités étoffées pour Hugo et Amicia, le tout reste très basique. La grande soeur peut désormais se défendre, pouvant même venir à bout de quelques gardes. Elle obtient également une arbalète aux munitions limitées, la forçant à trouver d’autres solutions, comme se servir du décor pour des distractions. De son côté, Hugo peut désormais commander aux hordes de rats. Un pouvoir hérité de la Macula, et qui permet de prendre le contrôle des bestioles. Mais la fratrie est exposée pendant ce temps, les forçant à privilégier la discrétion lors de leur progression.
Pourtant, l’infiltration ne brille pas vraiment dans ce titre. Les arènes sont souvent anxiogènes, ce qui fait monter la pression, certes, mais le manque de précision dans certains mouvements a tendance à frustrer. Se fait repérer pour avoir peiné à se cacher sous la table, ou parce qu’une animation de mouvement était trop longue à jouer n’a rien de ludique. De plus, les diverses options permettant de détourner l’attention ratent souvent leur effet. Un pot brisé à quelques pas d’un garde n’est probablement pas suffisant pour l’intriguer il faut croire.
Il reste possible de rendre tout cela moins pénible grâce à un arbre de compétences qui vient renforcer certains aspects d’Amicia. Des changements mineurs qui permettent de la rendre plus discrète, plus agressive ou plus alerte de son environnement. La progression est assez réaliste, ne lui permettant pas de tirer des boules de feu, mais loin d’être suffisante pour combler les ratés. On se retrouve avec une difficulté présente du début à la fin, pas toujours pour les bonnes raisons, mais qui offre un éventail de solutions pour s’extirper d’une situation délicate.
Une belle histoire pour un jeu qui ne va pas au bout
A Plague Tale: Requiem s’inscrit dans la lignée des jeux de BioWare, et particulièrement la trilogie Mass Effect. Une épopée narrative dans l’ensemble lourde de conséquences, chargée en émotions, qui n’hésite pas à mettre le joueur face à l’horreur avant de lui arracher des larmes dans un final déroutant. Quelques pauses viennent tout de même ralentir cette progression, pas toujours bien amenées ni bienvenues. Le gameplay, même s’il est présent et plutôt correct, n’a rien de transcendant. Il peine même à faire aussi bien que les jeux du même genre, proposant des énigmes très simples dans l’ensemble. Mais on se laisse facilement porter par la narration, allant même jusqu’à pardonner ses défauts les plus grossiers.
En proposant un titre d’une telle ampleur pour un simple AA, Asobo montre bien que proposer un monde ouvert démesuré, un montant de quêtes à en vomir ou un arbre de talents tellement complet qu’il en devient indigeste n’est pas nécessaire. Se contenter de parfaire ses forces, les faire transparaître, et les mettre en valeur permet de créer un univers diablement immersif, qui prend aux tripes et qui ne vous lâche pas jusqu’à la dernière seconde. Il est dommage de ne pas appliquer cette même philosophie à tous les aspects du jeu, laissant le gameplay beaucoup trop de côté. En cherchant à aller toujours plus loin, Requiem manque le coche sur certains éléments essentiels.
Le bilan du test de A Plague Tale: Requiem
Rien de neuf ici, mais une histoire qui fait mouche
Ne prenant pas de risques en cherchant à se réinventer complètement, A Plague Tale: Requiem n’offre pas de réelle nouveauté. Ce qu’avait réussi à entreprendre le premier est amélioré de manière significative pour desservir une narration toujours au sommet. Son gameplay, assez lambda dans l’ensemble, reste suffisamment bien travaillé pour que l’histoire n’en souffre pas. Mais à voir trop grand, Asobo se prive d’une partie des joueurs. Ceux qui n’ont ni l’envie ni les moyens d’investir dans un PC, et ceux pour qui le gameplay reste crucial dans un jeu.
Les points forts
- L’histoire et la relation d’Amicia et Hugo est touchante…
- Une qualité graphique impressionnante pour un AA
- L’optimisation PC suit très bien…
- Des comédiens qui se lâchent pour livrer une VF éprouvante émotionnellement
- La Provence brille par la diversité de ses paysages
- Une B.O. qui sublime le tout
Les points faibles
- … Bien qu’un poil forcée par moments
- Un gameplay qui passe à côté
- … Mais laisse de côté les consoles, sans options « performances »