Test de Baldur’s Gate 3, la grandeur dans l’imperfection
Faire des choix à des conséquences plus ou moins prévisibles, mais toujours visibles.
Reconnu dans le genre du cRPG pour Divinity: Original Sin 2 et son prédécesseur, Larian Studios s’aventure cette fois-ci dans l’univers de Donjons & Dragons. Suite sans en être, Baldur’s Gate 3 reprend les bases d’un classique du jeu vidéo pour en faire un nouveau départ. Références et clins d’œil ne sont pas loin, mais sans pour autant faire de l’ombre à ce que propose le studio belge. Un juste milieu qui offre une épopée unique et grandiose, imparfaite mais sincère.
Ce test de Baldur’s Gate 3 a été réalisé sur PC avec une version commerciale.
Avant, pendant, et même après sa sortie officielle, le jeu de Larian a fait trembler l’industrie de toutes parts. Décrit comme un OVNI bénéficiant de nombreuses circonstances ayant mené à sa création, il est clair que son RPG sort du lot. Les propos du studio concernant les micro-transactions, estimant qu’ils n’en avaient pas besoin, a fortement résonné chez les joueurs. Et pourtant, démesuré est un mot qui lui convient, tant il a à offrir dans le moindre de ses aspects. Mais cela se traduit forcément par des problèmes qui ont tendance à se multiplier au fil de l’aventure.
Pourtant, le jeu est bien loin du lancement très difficiles qu’à pu connaître Divinity: Original Sin 2. Alors si ce dernier a pu s’en sortir, et surtout s’ériger comme un monument du cRPG auprès de nombreux joueurs, ce n’est pas pour rien. Nous sommes à des années de cela ici. Plus consistant, plus dense, plus épique, tout y est plus ambitieux dans le moindre de ses recoins. Peu importe les problèmes qu’il peut rencontrer en chemin, Baldur’s Gate 3 est une réussite à tous les niveaux, et mérite amplement de prendre de votre temps.
Un univers de choix et de chemins
Les flagelleurs mentaux sont de retour, et ils projettent d’envahir la Porte de Baldur. Manque de bol, pendant leur rafle, ils vous ont kidnappés pour insérer une de leurs larves dans votre cerveau. Un voyage épique pour essayer de la retirer débute alors, une course contre la montre avant la transformation. Mais un phénomène étrange est à l’œuvre. Tous les infectés sont devenus fous, à l’exception de vous et votre bande. Bien des mystères sont à résoudre en se dirigeant vers la ville, d’alliés à se faire et d’ennemis à combattre.
Seulement, les indications sont assez minces pour avancer. Et c’est bien normal, puisque tout le but de ce genre de jeux est de pousser le joueur dans ses retranchements. Penser par lui-même, découvrir de nouveaux lieux, de nouveaux visages, sans savoir à quoi s’attendre. La côte des Épées est une terre d’exploration libre, dont il est possible de devenir le sauveur ou l’annihilateur. Ce sont les choix faits par le joueur qui vont guider les grandes lignes de cette aventure et lui donner forme. C’est un véritable jeu de rôle dans lequel on avance à tâtons, s’émerveillant devant chaque nouvelle découverte, et parvenant même à récompenser le joueur qui se creuse un tant soit peu les méninges pour progresser.
C’est en tout cas ce que souhaite Larian, comme avec ses titres précédents, mais dans une démesure constante. En résulte un Baldur’s Gate 3 qui, s’il offre de multiples façon de venir à bout d’une quête, semble mal fini sur certains aspects. De nombreux joueurs ont notamment été déçus en jouant une partie où ils voulaient faire régner le mal. Cette dernière laisse la possibilité de devenir un meurtrier sanguinaire, mais ne récompense jamais le joueur pour cela. Pour toutes les morts causées, un compagnon et une romance même pas terminée sont les seuls réconforts. Et c’est dommage d’avoir un tel ressenti, quand n’importe quel autre embranchement possède de multiples possibilités. Des choix importants qui impactent réellement le monde dans lequel on évolue, et qui donne la sensation d’une progression.
Devenir qui on le souhaite
Dès la création de personnage, cette volonté de laisser libre court à l’imagination du joueur est visible. 12 classes, 11 races, des tonnes de sous-classes, sous-races et sorts à choisir. S’ajoute à cela 7 personnages Origine, bénéficiant d’une race, d’une classe et d’un historique attitré. Ces derniers ont une histoire déjà tracée dans les grandes lignes par Larian, leur offrant des boîtes de dialogue uniques auprès des autres habitants de Faerûn. Il n’est cependant pas recommandé d’en prendre un pour sa première partie, afin de découvrir sa personnalité en amont. Les créations personnalisées peuvent tout de même choisir un passé qui leur permet de maîtriser diverses compétences.
Celles-ci peuvent servir aussi bien lors de dialogue, pour intimider, persuader ou encore tromper son interlocuteur, que lors de l’exploration et des combats. Ce ne sont donc pas des éléments à négliger, d’autant qu’elles dépendent grandement des caractéristiques du personnage. Privilégier la force influe sur l’athlétisme, et donc la capacité à repousser une entité ennemie, l’intelligence sur les jets demandant des connaissances, ou encore le charisme pour tout ce qui touche au social.
Pour les néophytes, les caractéristiques peuvent être particulièrement difficiles à appréhender. Une répartition recommandée selon la classe choisie est effectuée, mais rien ne vous empêche d’en changer totalement pour plus d’immersion. Pourquoi ne pas créer un barbare en devenir, gringalet, préférant passer son temps à lire plutôt qu’à combattre. On pourrait alors réduire sa force et sa constitution de départ, pour offrir quelques points d’intelligence. Bien sûr, cela rendra les affrontements bien plus difficiles. Mais c’est aussi ça la magie des jeux de rôle, faire ce qui nous plaît.
Faire progresser les mentalités
Avec Baldur’s Gate 3, Larian ne s’est pas contenté d’améliorer et embellir ce qu’ils avaient déjà pu produire par le passé. L’objectif est bien de permettre à tout le monde d’appréhender l’univers de Donjons & Dragons comme il le souhaite, et cela passe forcément par l’ajout des questionnements modernes. Et quoi de mieux pour cela que rappeler qu’il n’est pas nécessaire d’avoir des micro-transactions ou des DLC dans un jeu pour qu’il soit complet. De plus, et sans non plus avoir basé son marketing dessus, il est possible de créer des personnages transgenres. Que ce soit par les pronoms ou les organes génitaux, l’effort est là, et ne s’arrête pas qu’à des apparences. En choisissant l’option d’identité « Non-binaire/Autre », les textes sont adaptés avec une écriture inclusive.
Il en va de même pour l’apparence du personnage, où l’archétype n’est pas désigné par « homme » et « femme », mais « corpulence ». En plus de montrer un certain respect de la part du studio pour ce combat, c’est une excellente manière de proposer une aventure toujours plus immersive. Seulement, si tout cela est important, on ne peut pas s’empêcher d’être déçu par le reste des options et personnalisations. Elles sont certes nombreuses, mais semblent vraiment limitées par rapport au reste. Aucune option n’est présente pour les daltoniens, rendant difficile l’accès à ces derniers.
Chaque race à le droit à quelques variations de visages parmi lesquels choisir, mais sans plus. Il est bien possible d’ajouter du maquillage, des tatouages ou même des cicatrices. Mais on aurait bien voulu pouvoir jouer plus efficacement avec la forme même du visage. Avec tous les efforts fournis pour offrir une personnalisation complète, c’est une option qui semble manquer, au même titre que d’autres petits détails. Les Tieffelins, par exemple, peuvent choisir différentes formes de cornes. Ils peuvent également décider d’avoir des morceaux limés à même le crâne. Mais il est impossible d’avoir une corne brisée et l’autre encore en place, comme Karlach.
Une aventure de plus en plus éprouvante
Malheureusement, plus on avance dans l’aventure, plus ce genre de petits détails nous sautent aux yeux. Passé l’acte 1, traversé, travaillé et corrigé en long en large et en travers après 3 ans en Early Access, on sent clairement que le jeu est loin d’avoir pu profiter de ces mêmes retours pour le reste. Seul un élément est resté tout aussi frustrant depuis tout ce temps, la caméra. Souhaitant rester au plus proche des personnages, il n’est pas possible de parcourir plus de quelques mètres sans qu’elle se bloque. Pire encore, elle bloque la vision sur certaines hauteurs, rendant quelques sauts difficiles à réaliser.
L’acte 2, bien que particulièrement plaisant dans l’ensemble, voit tout de même quelques soucis s’immiscer. Comme on pouvait s’y attendre, quelques interactions peuvent être laborieuses, et certains éléments de décors peuvent parfois bloquer la vision, disparaître ou même flotter. Hormis cela, rien qui ne soit vraiment problématique, si ce n’est un certain manque de développement pour des personnages comme Wyll ou Gale pendant ce pan de l’aventure. C’est aussi là que la version Vulkan a montré ses premières limites pour nous, avec certains effets fermant le jeu immédiatement.
On ne peut clairement pas en dire autant de l’acte 3, qui est de loin le pire à tous les niveaux. Outre l’histoire qui s’enfonce dans un couloir et manque cruellement de développement sur certains aspects, le côté technique est à la traîne. Et pas qu’un peu, puisque les premiers pas à la Porte de Baldur peinent à dépasser les 10 images par seconde. Cela aura beau remonter par la suite, les chutes sont fréquentes et impossibles à éviter. Ce sera ça jusqu’à la fin du jeu qui, sans rentrer dans les détails, nous laisse clairement sur notre faim.
On sent qu’il manque des choses, que Larian a été pressé par le temps, qu’il aurait fallu encore une ou plusieurs années pour concrétiser l’entièreté de leur vision. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé, et il faudra probablement attendre une version définitive, des mises à jour ou des DLC pour en avoir plus. Pour autant, cela ne signifie pas que le scénario ne mérite pas qu’on s’y attarde. Loin de là. Si certaines parties semblent un peu moins développées, elles n’en sont pas moins intéressantes pour autant. L’épopée qu’à écrit le studio vaut largement le détour.
L’essence du jeu de plateau
Malgré ses défauts, plutôt irritants on ne va pas mentir, Baldur’s Gate 3 reste une campagne de Donjons & Dragons démentielle et épique. Il comprend tout ce qu’il faut d’exploration, de dialogue et de combats. Tout le jeu se déroule en temps réel, sauf les affrontements qui sont au tour par tour. Chaque entité prête à en découdre lance un dé à 20 faces qui va déterminer son initiative, et par conséquent le moment où il jouera. La dextérité offre un bonus à ce jet, permettant souvent de commencer plus tôt que les autres. Un avantage non négligeable qui laisse le temps d’analyser la situation et de mettre en place une stratégie.
Car il s‘agit bien de ça en premier lieu, établir un plan pour venir à bout de ses adversaires sans subir trop de pertes. Tous les personnages bénéficient d’une action et d’une action bonus à chaque tour, en plus d’une distance de déplacement limitée. Les lanceurs de sorts sont également soumis à une limite sur leur magie avec des emplacements de sort. Ces derniers ne se rechargent qu’une fois un long repos effectué, et doivent donc être utilisés intelligemment. Il faut ainsi chercher un équilibre constant entre survie et mise à mort.
Parmi les outils à la disposition du joueur, il y a le décor. Ce dernier permet de se cacher, forcer les ennemis à avancer, ou prendre la hauteur pour bénéficier d’un avantage. Cependant, il est également possible d’utiliser des objets amassés en explorant le monde pendant ces combats. De nombreux parchemins permettent aux personnages d’utiliser des sorts dont ils n’ont pas forcément la connaissance, certaines potions offrent la possibilité de se rendre invisible ou de voler… Les possibilités et combinaisons sont multiples. Et rien ne vous empêche de préparer le terrain avec la « barrelmancy », une technique tout droit venue de Divinity consistant à accumuler des tonneaux explosifs près des vos ennemis pour les oblitérer d’un coup.
Un univers qui doit beaucoup à ses architectes
Le studio belge a fait un travail remarquable avec Baldur’s Gate 3. On sent l’expérience et les années passées à étoffer leur formule pour proposer un tel monstre. Leur moteur de jeu, jusque-là plutôt limitant, s’est grandement amélioré et propose un univers à la fois dense, immense et magnifique. Tout cela est largement sublimé par les cinématiques, très nombreuses, qui profitent d’animations, faciales ou non, réussies. Pour une première, le résultat est particulièrement bluffant.
Bien sûr, c’est en grande partie aux comédiens que l’on doit cette justesse dans le jeu. Que ce soit pour des bruits de fond, des discussions aux coin du feu, ou lors de moments plus torrides, tous épousent la personnalité de leur personnage. Ils savent être touchants lorsqu’il le faut ou arrogants quand c’est nécessaire. Mais comment ne pas relever le travail d’Amelia Tyler, chargée de la narration. C’est elle que l’on entend le plus souvent, nous accompagnant du début à la fin. Si le narrateur de Divinity: Original Sin 2 avait déjà le droit à de nombreuses éloges, Amelia n’a pas à rougir de sa prestation. Affichant à la volée dégoût, candeur, curiosité ou malice, elle n’oublie jamais qu’elle reste omnisciente.
D’un autre côté, la musique du jeu semble plus en retrait que dans les productions précédentes. Ou en tout cas moins marquante. Si le titre Down By The River signé Borislav Slavov s’est ancré dans nos têtes, ce n’est pas le cas des autres morceaux composant la bande-originale. Loin d’être mauvaise, et même si elle accompagne toujours à la perfection les actions des personnages ou les décors, il lui manque toujours un petit quelque chose pour marquer le joueur.
Le bilan du test de Baldur’s Gate 3
Une aventure titanesque, imparfaite mais splendide
Que vous soyez un néophyte ou un expert de Donjons & Dragons, Baldur’s Gate 3 a tout ce qu’il vous faut. C’est un jeu de rôle au contenu démesuré, aux personnages marqués et à la personnalité bien définie. Mais il est surtout complet, et n’attend pas le moindre DLC ou micro-transaction pour vous donner quelques morceaux. En reprenant l’histoire dans un futur lointain, il en reste bel et bien la suite des RPG sortis il y a plus de 20 ans, sans forcer qui que ce soit à les connaître. Cependant, l’acte 3 offre au mieux une expérience légèrement désagréable, au pire très irritante. Avec tout ce qui est présent avant, arriver là-bas peut prendre un certain temps, plusieurs dizaines d’heures au bas-mot. En attendant la sortie d’un patch majeur, pas la peine de se presser donc.
Les points forts
- L’histoire épique d’un groupe…
- Un terrain de jeu immense…
- La personnalisation poussée…
- Larian fait des efforts sur l’inclusivité
- Des possibilités infinies en combat
- Une liberté totale dans la progression
- Le doublage particulièrement réussi
- Des cinématiques prenantes et immersives
Les points faibles
- … Fini à la hâte
- … Ponctué de problèmes techniques
- … Qui manque quand même de quelques détails
- Des embranchements qui manquent de consistance